« Ce que l’œil ne voit pas », et que révèlent les gravures de Christine Bouvier

L’exposition présentée au musée d’art et d’histoire Louis Senlecq de l’Isle-Adam, rassemble plus d’une centaine œuvres récentes de Christine Bouvier. Les gravures, inspirées de fragments de paysages, reflètent  une nature à l’enchevêtrement mystérieux et intemporel où se perd le regard, tandis que les dessins instaurent une proximité inattendue et troublante avec des visages familiers à l’artiste ou des mains en mouvement, occupées à l’ouvrage. Un film documentaire permet d’approcher le processus créatif de la gravure par lequel Christine Bouvier s’exprime depuis une trentaine d’années.
A voir jusqu’au 26 février 2012. 

On avait découvert le travail de Christine Bouvier en 2010 lors d’une exposition à la maison du Docteur Gachet à Auvers-sur-Oise, consacrée à six femmes artistes graveurs. (1) Elle y présentait ses « Diptyques » mettant en regard de manière mystérieuse et sensuelle la nature et le corps humain. On les retrouve dans cette nouvelle exposition Ce que l’oeil ne voit pas à  l’Isle-Adam.

Présences, Francine D. et Pierre C. / Photo DB

Mais l’artiste a choisi de nous introduire à son univers par la présentation de dessins au crayon, une trentaine au total occupant les deux premières salles de l’exposition. La série « Présences » nous met face à face avec des visages, tous singuliers – leur identité est signalée par un prénom et l’initiale du nom – et existant par la force de leur regard qui croise le nôtre, à hauteur d’homme, comme on dit, même si le corps a disparu…  Une rencontre saisissante où se côtoient l’intensité de chaque « présence », sans tricherie et pourtant porteuse de mystère…

"Au fil du temps" , 2006 / Photo Henri Delage

Les mains non plus ne trichent pas, occupées « Au fil du temps » à crocheter un fil, un vrai, dont on ne saura pas quel ouvrage il tisse. Seul le geste de la maille est saisi en instantané au crayon, avec précision. Et c’est la succession de ces instantanés dessinés, à la fois patiente répétition  du geste et avancée du travail, qui nous fait mesurer Le fil du temps ...

Nous voilà prêts à élargir notre champ de vision, notre regard convoqué pour le rêve et l’imaginaire, avec les paysages gravés, de bois et d’eau… Ou plutôt des fragments de paysages – ceux de la forêt de l’Hautil, en Île-de-France, dans la région du Vexin –  saisis au plus près du sol, au détour d’une flaque, d’un fil de ruisseau où se reflètent les enchevêtrements de branches du sous-bois, ou un grillage, ou un barbelé. Mais un reflet qui est re-création : une flaque d’eau devient dans sa verticalité entrée mystérieuse et invitation à aller de l’autre côté….

"Flaque", 2007 / Photo Henri Delage

"Ruisseau", 2010 / Henri Delage

Ces « choses d’en-bas, que d’habitude en marchant on évite, on enjambe, on contourne machinalement sans les voir » (2), Christine Bouvier les capte d’abord par la photographie numérique, avant de les transférer sur le cuivre. Commence alors un patient travail, très « physique », qui nécessite « l’implication du corps », comme elle le dit elle-même, dans un processus qui allie le geste et la quête pour arriver à la « transmutation » finale de l’image, au fil des passages successifs de la plaque dans l’acide, du recours à l’aquatinte, du polissage ou de la griffure du cuivre à la pointe, ou encore de la touche au pinceau fin. Un processus inséparable de la quête artistique : « Le processus fait partie de ce que je recherche », dit-elle. Ajoutant, « Tout mon travail consiste à faire émerger la lumière ». Et la lumière effectivement apparaît  au terme de la superposition des traces sur la plaque, filtrée dans les dégradés de l’encre.

Impression d'une planche de la série "Ruisseau" à la Métairie Bruyère / Photo Clovis Prévost

Transmutations, le documentaire de Clovis Prévost, tourné dans le centre d’art graphique de la Métairie Bruyère (3) et présenté dans l’exposition,  permet d’appréhender ce processus de création, en compagnie de Christine Bouvier qu’on voit à l’œuvre, commentant elle-même la méthode et l’esprit de son travail créatif : « Je fais de la gravure depuis longtemps et j’ai toujours des surprises »,  dit-elle. On y saisit aussi l’émotion à l’instant décisif de la « révélation » lors de l’impression d’une planche, lorsque celle-ci est lentement soulevée de la matrice de cuivre…

Un film qui nous fait aussi regarder autrement Mamette, ce beau portrait gravé d’une vieille femme, accroché en regard de l’écran : on y apprend que ce visage « buriné » est celui de l’arrière grand-mère de l’artiste, et qu’il a lui a été  une source d’inspiration  pour la gravure …

"Promenade", 2005 / Photo Henri Delage

(1) https://debelleschoses.com/2010/07/29/une-journee-a-auvers-sur-oise/
(2) Citation de Nicole Malinconi, dans le catalogue de l’exposition.
(3) Pour en savoir plus sur la Métairie Bruyère, cliquer ici

Liens :
Musée d’art et d’histoire Louis Senlecq
Christine Bouvier 

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2 commentaires pour « Ce que l’œil ne voit pas », et que révèlent les gravures de Christine Bouvier

  1. Suivez attentivement le blog de Danielle BIRCK pour être informé De Belles Choses…

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  2. christine dit :

    Merci de nous faire partager ces belles images et ces explications.

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