« La Cantatrice chauve » de Jean-Luc Lagarce de retour à l’Athénée…

« La Cantatrice chauve », Mise en scène Jean-Luc Lagarce / photo Christian Berthelot

… pour « une ultime fois ».
C’est du moins ainsi qu’est annoncée cette nouvelle reprise de la pièce de Ionesco dans la mise en scène créée par Jean-Luc Lagarce en 1991 et avec les acteurs d’origine. Cette version colorée et de pur théâtre, on avait pu la découvrir pour la première fois à Paris en 2007 à l’occasion de l’Année Lagarce; l’auteur et metteur en scène aurait eu cinquante ans cette année là s’il n’était pas mort du sida, à 38 ans, le 30 septembre 1995.
« Ce spectacle est non seulement un salut du plateau au metteur en scène devenu un des plus grands auteurs français du XXe siècle, mais également l’occasion de partager un geste théâtral patrimonial, mais bien vivant à travers le temps », écrit François Berreur dans la note d’intention de cette nouvelle « re-création » de La Cantatrice chauve qui s’installe sur la scène du théâtre de l’Athénée du 17 janvier au 3 février 2018, entre deux tournées en province.

Jean-Luc Lagarce / Photo Michel Quenneville

Lorsqu’en 1950, la première pièce d’Eugène Ionesco, La Cantatrice chauve, est créée au théâtre des Noctambules à Paris dans une mise en scène de Nicolas Bataille, elle rencontre l’incompréhension, voire la colère de la plupart des critiques. Reprise sept ans plus tard au théâtre de la Huchette, la pièce connaît un succès qui ne se démentira pas : elle est toujours à l’affiche!
1957, c’est aussi l’année de la naissance de Jean-Luc Lagarce et La Cantatrice chauve sera fondatrice pour son théâtre.(1) Ses premiers textes en sont très inspirés et dès 1979 il a envie de la mettre en scène, ce qu’il fera finalement en 1991, avec sa compagnie du Théâtre de la Roulotte. Le spectacle est un succès et tournera alors en province, mais ne pourra être joué à Paris qu’au milieu des années 2000, lorsqu’aura pris fin l’exclusivité des droits de représentations détenue par le Théâtre de la Huchette.

« Le premier à avoir sorti Ionesco de l’esthétique des années 1950 et 1960 dans laquelle il était embaumé, est Jean-Luc Lagarce. » (2) Si pour Jean-Luc Lagarce, La Cantatrice chauve de Ionesco est un classique du XXe siècle, c’est en effet une version très «colorée», comme il le dit lui-même, qu’il propose. Colorée et trop réelle pour l’être vraiment : pelouse verte, façade blanche d’une maison, tailleur Chanel rose des épouses Smith et Martin et cravates oranges pour ces messieurs. Il y a aussi le capitaine des pompiers en uniforme (qui «allume» la bonne) et la bonne. « Je pense aux couleurs qu’il y a dans Mon Oncle de Jacques Tati; on est entre le dessin animé et le feuilleton américain des années 50 », dit Lagarce.

On rit beaucoup. Mais ça grince aussi. Comme dans le feuilleton américain des années 50 et suivantes, les sitcom aux applaudissements enregistrés, derrière les banalités échangées par les personnages ou la cocasserie des situations, le rire nait parfois d’une redoutable conjugaison de l’absurde et de la violence :  le pompier ne peut pas éteindre le feu chez les « naturalisés », car ils ont le droit d’avoir une maison‚ mais « pas celui de les faire éteindre si elles brûlent »…  Mais la bonne est là pour rappeler de temps en temps, que ce n’est que du théâtre en signalant les détails de mise en scène qui diffèrent de celle de 1950, de même qu’avant le tomber de rideau – tombe-t-il d’ailleurs ? – les acteurs auront présenté au public toutes les fins envisagées par Ionesco à sa pièce. Car pour Jean-Luc Lagarce.« La Cantatrice chauve est une formidable machine à jouer‚ une machine à faire du théâtre ».

La Cantatrice chauve, de gauche à droite : Mireille Herbstmeyer, Jean-Louis Grinfeld, Olivier Achard, Emmanuelle Brunschwig / Photo B. Enguerand

Ce que confirme Jean-Louis Grinfeld, Monsieur Smith depuis 1992. Sollicité par Jean-Luc Lagarce pour interpréter ce rôle, l’acteur confie que l’oeuvre de Ionesco n’était alors pour lui qu’une « vieille pièce ». Laquelle est bien vite devenue « une belle pièce » et une expérience de théâtre particulièrement réjouissante avec cet être « beau, étrange et drôle » qu’était Lagarce, sa mise en scène et  son « discours magnifique sur La Cantatrice chauve ».

Quelque 25 ans plus tard, alors qu’elle s’installe une nouvelle fois à l’Athénée, comment se prépare-t-on à la rejouer, cette Cantatrice?  D’abord, comme le souligne Jean-Louis Grinfeld, contrairement à l’époque de sa création,  les acteurs ont maintenant « l’âge des rôles », avec chacun « l’histoire de sa pratique théâtrale ». Il est vrai aussi qu’à force de jouer le spectacle, « on l’a peut-être  trop enrichi » et qu’il s’agirait de « retrouver, sinon une pureté, du moins une rigueur et une simplicité de la pièce », suggère-t-il. Il s’agit de « faire la même chose autrement… On réinvente pour faire pareil »… En un mot : du théâtre!

Et nous, on se réjouit de retrouver une nouvelle (dernière ?) fois Mireille Herbstmeyer, Jean-Louis Grinfeld, Marie-Paule Sirvent, Emmanuelle Brunschwig, Olivier Achard, Christophe Garcia,  François Berreur sur la scène de l’Athénée pour assister à cette « chose rare », comme le disait Lagarce,  qu’est La Cantatrice chauve.

Après Besançon, Vesoul, Clermont-Ferrand et l’Athénée, la pièce repartira en tournée à Valenciennes, Compiègne et Cergy.

Première version de La Cantatrice Chauve de Lagarce, 1991 © TNB

 

(1) Entretien avec Jean-Pierre Han, en 1992.
(2) Fabienne Darge dans Le Monde (28/10/2009) à l’occasion du centenaire de la naissance de Ionesco et d’une deuxième reprise de La Cantatrice chauve à l’Athénée

Jean-Luc Lagarce a écrit 24 pièces. Avec son Journal, sa correspondance et quelques récits, toute son oeuvre est publiée aux éditions Les Solitaires intempestifs, créées en 1992 par Jean-Luc Lagarce et François Berreur.

Théâtre de l’Athénée

 

 

Théâtre de l’Athénée
Sq. de l’Opéra Louis-Jouvet
7 rue Boudreau
75009 Paris
01 53 05 19 19

 

Cet article, publié dans Culture, Patrimoine, est tagué , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Un commentaire pour « La Cantatrice chauve » de Jean-Luc Lagarce de retour à l’Athénée…

  1. Ping : Sophie Paul-Mortimer interprète « Les règles du savoir vivre dans la société moderne » de Lagarce | De Belles choses

Laisser un commentaire