« Le paradoxe de l’Iceberg » à Rentilly : le Grand Large s’invite au château…

« Le paradoxe de l’Iceberg » : au premier plan « Sculpture pour purifier la parole », Gilberto Zorio/ au fond les dessins de Christine Deknuydt / Photo db

  ou quand le Frac Ile-de-France, le château/Parc culturel de Rentilly-Michel Chartier accueille des oeuvres de la collection du Frac Hauts-de-France, le Grand Large à Dunkerque. Un échange qui s’inscrit dans  la nouvelle dynamique des Fonds Régionaux d’Art Contemporain, qui depuis une petite dizaine d’années vise à donner une plus grande visibilité à leurs collections. L’exposition « Le paradoxe de l’Iceberg », qui emprunte son titre à une aquarelle de l’artiste dunkerquoise Christine Deknuydt,  réunit les oeuvres de vingt-cinq artistes internationaux des années 1960 à aujourd’hui, avec pour fil conducteur la matière dans tous ses états, physiques et métaphysiques. Dans ce très bel espace du château de Rentilly, c’est un parcours aussi divers que pertinent qui est proposé au visiteur.
À voir jusqu’au 22 juillet 2018.

Situé au coeur du Parc culturel de Rentilly (Seine-et-Marne), le château a rouvert ses portes en novembre 2014 après d’importants travaux de réhabilitation. C’est une véritable métamorphose de l’édifice qui a été accomplie par l’artiste Xavier Veilhan et son équipe. Une façade-miroir en acier inoxydable a fait de ce château une sculpture, en totale cohérence avec un lieu dédié à la diffusion de l’art contemporain auprès du grand public.

Frac Île-deFrance, le château/Parc culturel de Rentilly-Michel Chartier / Photo db

Quant aux espaces d’exposition, ils sont le fruit d’une d’une refonte complète de la volumétrie intérieure initiale du château afin de répondre aux exigences contemporaines. Il en résulte un espace dénudé et potentiellement variable, avec de grandes cimaises mobiles équipant les deux plateaux d’exposition. Enfin, les larges fenêtres donnant sur le parc, dotées de verre miroir sans tain et plein cadre, entretiennent un lien subtil avec le paysage.

Le château accueille deux expositions par an, consacrées à des collections, publiques ou privées, « l’idée étant notamment d’inviter d’autres Frac », souligne Xavier Franceschi, directeur du Frac Île-deFrance. D’où l’invitation au Frac Grand Large/Hauts-de-France, installé sur le port de Dunkerque depuis 2013, dans un nouveau bâtiment conçu par les architectes Lacaton & Vassal. (1)

Christine Deknuydt, Le paradoxe de l’iceberg, non daté, Collection du Frac Grand Large – Hauts-de-France © droits réservés

Si le Frac Grand Large est connu pour sa collection de design, il se caractérise aussi par la très grande diversité des oeuvres rassemblées autour d’un noyau initial consacré à l’Arte Povera, l’art minimal, l’art conceptuel, et à des médiums aussi variés que la peinture, la photographie et l’installation, une collection qui va des  années 1960 à aujourd’hui.

À l’occasion de la présentation d’oeuvres à Rentilly, Keren Detton, directrice du Frac Grand Large et commissaire de l’exposition, s’est demandé « Quelle image donner de cette collection, quel regard porter sur elle? ». Le choix a été fait de « mettre en avant la question de la matérialité pour tisser des liens entre des artistes de diverses générations », car « l’avant-garde des années 1960-1970 a une influence sur les jeunes créateurs », souligne Keren Detton.

L’exposition s’inspire aussi du travail de Christine Deknuydt (1967-2000), à partir de l’importante donation de ses oeuvres  au Frac Grand Large. L’artiste dunkerquoise réalise des dessins sur lesquels elle applique des matériaux aux effets inattendus. On observe « une certaine porosité entre les oeuvres avec des sujets récurrents, notamment le rapport entre l’humain et l’animal, ainsi qu’une place importante accordée au langage », indique Keren Detton. Ce que donne à voir la cinquantaine de dessins sélectionnés pour l’exposition. Une de ses aquarelles en lavis bleu a donné son titre à l’exposition Le paradoxe de l’iceberg, une forme qui attire l’attention sur ce qui est caché, mais aussi sur les aléas de la transformation avec le temps.

« Le paradoxe de l’iceberg » : Jannis Kounellis, « Senza Titolo » (Détail) / Photo db

Ces questionnements sur la matière, son évolution, ainsi que la relation au langage on les retrouve sous des formes extrêmement diverses dans l’exposition. Laquelle s’ouvre sur des oeuvres emblématiques des mouvements d’avant-garde des années 1960 et 1970. Avec notamment Phalanx, une installation de quatorze billots de cèdre rouge, réalisée par l’artiste américain Carl André, né en 1935 et considéré comme l’un des fondateurs de l’art minimal. Ou encore la Sculpture pour purifier la parole, de Gilberto Zorio, un artiste italien né en 1944 et associé au mouvement de l’Arte Povera : au sol, une grande étoile en terre cuite morcelée et acier, comporte à l’extrémité de l’une de ses cinq branches un réservoir d’alcool… L’Arte Povera a marqué aussi le travail de Jannis Kounellis (1936-2017), présent à Rentilly avec Senza Titolo, une oeuvre de 1985 associant une paire de chaussures à une bonbonne de gaz allumée. Chacun interprétera à sa façon la flamme à l’extrémité des chaussures usagées …

Exposition « Le paradoxe de l’iceberg » :Nina Canell, « Perpetuum Mobile / Photo db

L’installation Perpetuum Mobile de Nina Canell met en oeuvre  la transformation de la matière dans tous ses états : solide, liquide, gazeux et même sonore. Le dispositif mis en place par l’artiste (née en Suède en 1979) consiste en des nuages de vapeur s’élevant d’une marmite métallique, un micro amplifiant par intermittence la transformation de l’eau en vapeur. Sur le côté sont disposés des tas de sacs de ciment que la vapeur d’eau va progressivement solidifier pendant la durée de l’exposition.

Exposition « Le paradoxe de l’iceberg » : Hans Haacke, « Blue Sail » / Photo db

C’est au contraire la fluidité, celle invisible de l’air en mouvement, qui caractérise Blue Sail, de Hans Haacke. Faisant partie des oeuvres de jeunesse de  l’artiste allemand né en 1936, l’installation Blue Sail est composée d’un voile bleu, fluide et fragile, flottant dans l’air grâce à un ventilateur : sous l’action de l’air soufflé, le voile se métamorphose en figures éphémères dans un mouvement perpétuel, qu’on ne se lasse pas de contempler…

Avec Gloria Friedman, artiste allemande née en 1950 et travaillant en France, des matériaux ordinaires – tuyaux de plastique et toile molletonnée – se transforment en paysages : La pluie s’abat sur le plat pays et Neiges éternelles de la Jungfrau. Les cartels – sortes de haïkus – font partie de l’oeuvre, lui donnant une dimension poétique.

Il s’agit là d’une sélection subjective. À chaque visiteur d’opérer la sienne, dans un ensemble qui s’impose par sa qualité et sa pertinence.

Exposition « le paradoxe de l’iceberg » : Gloria Friedman / Photos et montage db

Le Parc culturel de Rentilly-Michel Chartier accueille aussi des artistes en résidence. Dans le cadre d’un partenariat avec le Centre photographique d’Île de France, Laurie Dall’Ava expose ses travaux dans la Salle des trophées. Sous l’intitulé De soufre et d’azote, l’artiste présente une sélection de photographies et d’images d’archives, mais aussi d’objets et d’outils, en jouant sur « un rapprochement à la fois formel et sémantique, en réaction à certains systèmes violents de séparation imposés par notre société» , explique Laurie Dall’Ava, qui s’est nourrie d’autres cultures et formes de pensées, notamment orientales.

Un travail original et subtil à découvrir jusqu’au 6 mai 2018.

Laurie Dall’Ava , « De soufre et d’azote »,Parc culturel de Rentilly-Michel Chartier, 9 mars 2018 / Photo db


(1)
Un édifice voulu comme la réplique en transparence de l’ancienne halle AP2: « Atelier de préfabrication n°2 », témoin historique de l’industrie navale dunkerquoise. Sa construction – comme celle de cinq autres Frac Next Génération, tous signés de grands noms de l’architecture – correspond à la volonté, quelque trente ans après la création des Frac en 1982, de permettre à ceux-ci de mieux remplir leurs missions, en particulier celle de sensibilisation des publics à l’art contemporain. Pour en savoir plus, cliquer ici

Liste des artistes représentés dans l’exposition :
Carl Andre, John Armleder, Micol Assaël, Robert Barry, Joseph Beuys, Jean-Sylvain Bieth, Pier Paolo Calzolari, Nina Canell, Julien Creuzet, Christine Deknuydt, Nicolas Deshayes, Matias Faldbakken, Robert Filliou, Gloria Friedmann, Hans Haacke, Peter Joseph, Jannis Kounellis, Dennis Oppenheim, Lisa Oppenheim, Emmanuel Pereire, Evariste Richer, Jean-Luc Verna, Jacques Villeglé, Franz West, Gilberto Zorio.

Parc culturel de Rentilly – Michel Chartier / frac île-de-france, le château

Chateau de Rentilly, les fenêtres : lien subtil avec le paysage… / photo db

Domaine de Rentilly
1 rue de l’étang
77600 Bussy-Saint-Martin
Tél.:01 60 35 46 72

Jours et heures d’ouvertures
Mercredi et samedi 14h30 -17h30
Dimanche 10h30-13h et 14h30-17h30
Entrée libre

Accès
RER A : arrêt station Torcy puis à pied (15 minutes)
Bus : PEP’S lignes 46/25/13 (arrêt Cèdre)

 

  

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3 commentaires pour « Le paradoxe de l’Iceberg » à Rentilly : le Grand Large s’invite au château…

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