Si l’on avait oublié le sens premier du nom « secrétaire », ce meuble à la mode dans les demeures des XVIIIe et XIXe siècles, l’exposition « Meubles à secrets, Secrets de meubles » présentée au château de Malmaison jusqu’au 10 mars 2019 nous le rappelle de bien belle manière. Au fil d’un parcours dans les appartements de Joséphine et Napoléon, le visiteur découvre les agencements secrets d’une quarantaine de meubles et objets précieux, fruits de l’art et de l’ingéniosité des orfèvres et ébénistes, au premier rang desquels figure Martin Guillaume Biennais (1764-1843), dont une vingtaine de pièces sont exposées. Deux créations contemporaines sont également présentées dans l’exposition, montrant que ces meubles à secrets restent une source d’inspiration pour les talents d’aujourd’hui…
Cette exposition a son « héros », pour reprendre le mot de Isabelle Tamier-Vétois, conservatrice en chef du patrimoine et commissaire de l’exposition. Il s’agit d’un secrétaire à abattant, fabriqué vers 1804-1814 par Martin Guillaume Biennais pour son usage personnel. (1) « Cet artisan, fils d’un laboureur normand, n’était pas seulement l’orfèvre de l’Empereur, indique Isabelle Tamisier-Vétois. Il était aussi un ébéniste et un maître tabletier qui avait su développer un incroyable sens du négoce. » D’où, sans doute, la nécessité de dissimuler aux regards les fruits de ce négoce… Ce meuble d’apparence plutôt sobre recèle en fait treize secrets, mis au jour lors d’un long et complexe travail de restauration mené dans le cadre du partenariat entre le Musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau et l’École Boulle. La fabrication de ce secrétaire a requis une main d’oeuvre hautement qualifiée dans plusieurs métiers d’art : menuisiers, ébénistes, marqueteurs, sculpteurs, ciseleurs, fondeurs monteurs en bronze, doreurs sur métaux et bois, serruriers mécaniciens, vernisseurs…

Le secrétaire à abattant de Martin Guillaume Biennais dévoile ses secrets…
Une fois dévoilés les secrets de ce secrétaire emblématique, l’idée a germé de faire de même avec d’autres pièces de mobilier pour mettre en évidence leur diversité, le raffinement de leur fabrication ainsi que l’ingéniosité et la complexité de leurs mécanismes. D’où l’organisation de cette exposition afin de « rentrer au coeur des meubles pour en comprendre le secret », résume Isabelle Tamier-Vétois.
Le secrétaire de Biennais ne détient d’ailleurs pas le record des secrets, les meubles impériaux en possèdent généralement plus d’une vingtaine, comme la commode et le secrétaire à abattant qui lui fait pendant, signés de Simon Nicolas Mansion (1773-1854) et qui comportent respectivement vingt-quatre et vingt-deux cachettes secrètes. Les deux meubles (1806) ont orné successivement les appartements de Joséphine et Napoléon aux Tuileries, puis celui de Marie-Louise au Grand Trianon. On note au passage la diversité et préciosité des bois utilisés pour leur fabrication : Loupe d’if, ronce d’acajou, citronnier, ébène, loupe de Thuya…

Nécessaire de l’impératrice Joséphine © Musée des châteaux de Malmaison & Bois-Préau.
L’art et l’ingéniosité des orfèvres et ébénistes s’expriment également dans les mobiliers et nécessaires de voyage. Biennais devrait d’ailleurs sa réussite « à la vente à crédit d’un nécessaire au général Bonaparte avant son départ pour la campagne d’Italie ». Et parmi les meubles de sa fabrication, nombreux sont en effet les objets liés au voyage – malles, nécessaires, secrétaire de voyage – qu’on peut voir dans l’exposition.

Barbière au chiffre du Prince Eugène
De secret, ce mobilier peut aussi passer pour « discret », la fonction n’est pas tant de cacher des choses que « d’éviter de montrer la fonction d’un objet », explique Isabelle Tamier-Vétois. Il s’agit le plus souvent d’objet liés à la toilette, comme la « barbière au chiffre du Prince Eugène », un meuble vertical à plusieurs plateaux dont le déploiement révèle en fait 39 accessoires de toilette…

Arthur Catelain, « Insidias » / Photo db
Il y a là « un esprit ludique qui perdure jusqu’à aujourd’hui ». Le meuble Insidias (ou chausse-trappe) qui dissimule un bar en fournit un exemple. Créé en 2018 à l’école d’ébénisterie de Bains, en Haute-Loire, il est l’oeuvre diplomante d’Arthur Catelain (né en 1996). Le Bureau Inap 01 en bois brûlé et palissandre de Lorcan Ménard, diplômé de l’école Boulle en est une autre illustration.
Des oeuvres bien légendées, des vidéos permettant de s’approcher au plus près du fonctionnement de ces meubles à secrets, un parcours judicieusement scénographié dans les différentes salles du château de Malmaison, font de cette exposition un moment privilégié. Et pour ceux et celles qui ne le connaissaient pas encore, une occasion de découvrir ce lieu à la fois d’intimité et de pouvoir du couple impérial qu’est la Malmaison (2).

Château de Malmaison, le salon de musique / Photo db
(1) Entré par dation dans le patrimoine de l’État, ce secrétaire est dans les collections du Musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau depuis 2013.
(2) À ce sujet voir le livre Malmaison, le palais d’une impératrice, de Christophe Pincemaille et Isabelle Tamisier-Vétois (Éditions des Falaises) dont nous avons rendu compte ici-même.
Château de Malmaison
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