Grâce à la Compagnie Oghma, « Bérénice » de Racine renoue avec la tradition baroque.

« Bérénice » par la Compagnie Oghma, le trio © Crédit photo Jean-Luc Kokel

Drame de l’amour et du pouvoir, la pièce écrite par Racine en 1670 nous touche encore aujourd’hui. Sans doute parce qu’il n’y eut jamais si peu d’action – une décision à assumer – et autant d’intensité, portée une langue sublime, dans ce théâtre qu’on appelle classique, oubliant qu’il fut d’abord baroque. C’est ce que nous rappelle la Compagnie Oghma, en recréant la gestuelle, la langue, la diction, les costumes et l’éclairage caractéristiques de l’esthétisme pratiqué à l’époque de Racine. Une version intime et concentrée de la tragédie qui conjugue raffinement, sobriété et émotion. Jouée à Paris, au Studio Raspail en novembre dernier, Bérénice le sera à nouveau et pour une unique représentation, le 10 janvier 2020. 

Créée en 2006 par le comédien Charles Di Meglio, la Compagnie Oghma (1) établie à Auriac du Périgord, en Dordogne, propose une programmation théâtrale entièrement consacrée au Baroque et à la Renaissance. Elle rassemble une quinzaine de comédiens et comédiennes, tous professionnels. Depuis 2015, la Compagnie organise chaque été un festival de théâtre baroque en Périgord noir, L’Oghmac.

Bérénice pleure © Crédit photo Jean-Luc Kokel

Costumes d’époque (dessinés et fabriqués dans les ateliers de la compagnie), maquillages caractéristiques, éclairage à la bougie, gestuelle (qui mêle emprunts à l’art pictural du XVIIe siècle et aux théâtres extrême-orientaux),  langue et phrasé spécifiques, concourent à l’originalité de la démarche de la compagnie, qui s’appuie sur un travail rigoureux de recherches historiques et théâtrales.

Oghma a à son actif une vingtaine de créations, du théâtre élisabéthain à Charles Perrault, en passant par Molière et, bien sûr, Racine. Après Phèdre, Hippolyte, Les Plaideurs, le choix s’est porté sur la tragédie racinienne par excellence qu’est Bérénice. Représentée pour la première fois le 21 novembre 1670 à l’hôtel de Bourgogne, la pièce se caractérise par sa « simplicité d’action », comme l’écrit Racine dans sa préface (2).

Rappel des faits  : Titus, nouvellement empereur, décide de sacrifier à la loi romaine qui lui interdit d’épouser une étrangère, la passion qui le lie à Bérénice, reine de Palestine, dont il voulait faire son épouse. Toute la tragédie se situe dans cet intervalle, entre la décision et le renoncement, la douleur et la tentation de la mort. C’est finalement Bérénice qui, en renonçant à Titus et en prononçant les mots de la séparation, donnera la plus grande preuve d’amour et de courage.. et de vie.

Départ Bérénice © Crédit photo Jean-Luc Kokel

Charles Di Meglio, le directeur artistique de la Compagnie Oghma, propose une version “intime et concentrée” de la tragédie. Seuls les trois personnages principaux — Bérénice, Titus et Antiochus —- se retrouvent sur scène durant une heure dix. Disons-le d’emblée : les toute premières minutes sont déroutantes. L’oreille doit se familiariser avec ce français du XVIIe siècle – où les sons « oi » sont prononcés  « ouè », ou les « e » muets ne le sont plus – , un phrasé particulier et un texte plus déclamé que joué. Mais très vite, le sens s’impose. Et avec lui surgit l’émotion, d’autant plus forte qu’elle est contenue. Le jeu des acteurs étant tout entier dans la retenue, la gestuelle maîtrisée, c’est dans le regard et le visage que se concentrent l’expression et l’intensité des sentiments.

Ces acteurs, dont il faut saluer la performance, sont :  Elsa Dupuy dans le rôle de Bérénice, Charles di Meglio et Antoine Charneau, respectivement dans les rôles de Titus et Antiochus.

Présenté pour la première fois l’été dernier en Périgord noir lors de la 5ème édition du festival L’Oghmac, puis à Paris en novembre 2019, ce spectacle rare sera joué à nouveau pour une unique représentation dans la salle parisienne du Studio Raspail, le 10 janvier 2020.

Ce serait dommage de le rater….

Monologue Titus © Crédit photo Jean-Luc Kokel

 

(1) Du nom d’une divinité celte, dont le pouvoir est lié à celui de la parole.
(2) « Il y avait longtemps que je voulais essayer si je pourrais faire une Tragédie avec cette simplicité d’action qui a été si fort du goût des anciens (…) Il y en a qui pensent que cette simplicité est une marque de peu d’invention. Ils ne songent pas qu’au contraire toute l’invention consiste à faire quelque chose de rien… «

Dans l’agenda de la Compagnie Oghma, à noter :
Cléopâtre captive, d’Étienne Jodelle, une commande de la Bibliothèque nationale de France et du Musée national de la Renaissance à Écouen qui sera donnée au Château de Chambord le 23 mai 2020. Leur prochaine création La Farce de Maître Pathelin, sera présentée dans le cadre du festival L’Oghmac (27 juillet-3 août 2020).

 

Studio Raspail,/ DR

Studio Raspail
216 boulevard Raspail
75014 Paris |

Renseignements et réservations:
06 25 04 51 15
resa@compagnieoghma.com
CompagnieOghma.com/berenice
Weezevent.com/berenice

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