« Antoine Caron (1521-1598). Le théâtre de l’Histoire » au château d’Écouen

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La Tenture des Valois, château d’Écouen/ photo db

Avec cette nouvelle exposition le Musée national de La Renaissance entend redonner toute sa place à l’un des artistes français les plus influents de la seconde moitié du XVIe siècle. Bien qu’Antoine Caron ait travaillé successivement pour cinq monarques, de François Ier à Henri IV, et pour la reine mère Catherine de Médicis, il n’avait pas fait jusqu’alors l’objet d’une manifestation à la hauteur de sa polyvalence artistique, de sa longue carrière et de son influence durable. C’est chose faite avec l’exposition Antoine Caron. Le théâtre de l’Histoire qui réunit jusqu’au 3 Juillet 2023 quelque 80 oeuvres au cœur du château d’Écouen dans une architecture et un décor contemporains des créations de l’artiste et dans un parcours qui met en évidence les échanges entre peinture, dessin, sculpture et tapisserie. Dans ce dernier domaine, il faut souligner le caractère exceptionnel de la présentation des huit tapisseries de la célèbre Tenture des Valois, tissée à Bruxelles pour Catherine de Médicis, et qui n’avait pas été vue en France dans son intégralité depuis plus de quatre siècles.

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Antoine Caron par François Quesnel, château d’Écouen / Photo db

C’est à Beauvais, où il est né en 1521, qu’Antoine Caron a dû recevoir sa première formation, notamment au contact d’artisans verriers participant à la construction de la cathédrale. Mais aucune trace ne subsiste de cette période. Il se serait également « formé à Écouen, sur les manteaux de cheminée du château », indique Matteo Gianeselli, Conservateur du patrimoine au musée national de la Renaissance et commissaire de l’exposition. (1) Ce qui est avéré, par contre, c’est que Caron a parachevé sa formation auprès des Italiens actifs sur les chantiers des châteaux de Fontainebleau et d’Anet, Primatice et surtout Niccolò dell’Abate qui « laisseront  une trace durable, indélébile sur son art ». En particulier dell’Abate dont il s’affirme comme un digne héritier  dans tous les grands genres artistiques : peinture d’histoire, scénographie, allégorie, décor et paysage.

Replacer Caron dans cet environnement artistique et culturel est l’objet de la première salle de l’exposition. Avec  la fascination exercée sur les artistes par les décors de Fontainebleau, notamment de la galerie d’Ulysse conçue par Primatice et où intervient également Antoine Caron, jeune artiste auquel sont confiés des motifs ornementaux des grotesques.

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Ruggiero de’Ruggieri, d’après Primatice, « Ulysse affrontant les sirènes et franchissant le détroit de Charybde et Scylla

La suite de l’exposition, consacrée à « Caron fournisseur de modèles », met d’abord en évidence la diversité de métier de peintre à la Renaissance. Une diversité que révèle un examen attentif de la version gravée du portrait dessiné par François Quesnel. Les divers objets logés dans les angles du cadre précisent que les compétences du « peintre » vont bien au-delà : « la palette et les pinceaux sont complétés par le compas et l’équerre de l’architecte, le papier et les plumes de l’écrivain et les attributs du savant », souligne Henri Zerner, conservateur et professeur honoraire à Harvard, dans le catalogue de l’exposition. (2)

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trois versions de « La remise du livre et de l’épée » du Cycle d’Artémise, d’après un modèle d’Antoine Caron

Artiste aux multiples facettes, Antoine Caron connaît un grand succès auprès de ses contemporains. Il collabore avec de nombreux confrères, à qui il fournit des modèles destinés à être transcrits dans des techniques diverses –  dessin, gravure, peinture, sculpture et tapisserie. À cet égard la séquence autour de La Remise du livre et de l’épée dans le cycle d’Artémise – à la gloire de Catherine de Médicis – témoigne de la variété des supports de sa diffusion sur une période de plus de quarante ans, avec notamment des tapisseries qui seront réalisées sous Henri IV, après la disparition de Caron. On ignore si celui-ci avait un atelier et formait lui même des apprentis, mais son art est à tel point populaire que son style est repris, sur les plans visuel et technique, par des peintres gravitant dans son sillage. Des « suiveurs » qui contribuent au rayonnement du « maître », bien au delà de la cour, des frontières.

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Tenture des Valois, La Réception des ambassadeurs polonais aux Tuileries Antoine Caron (d’après) © Gabinetto fotografico delle Gallerie degli Uffizi

Des frontières que les huit tapisseries de la Tenture des Valois ont franchi pour venir s’installer au château d’Écouen, le temps de l’exposition. Tissées en Belgique, probablement dans les ateliers du Bruxellois Willem de Pannemaker, elles n’avaient pas été revues ensemble depuis leur arrivée à Florence en 1589. Le caractère exceptionnel de leur présentation – grâce au prêt consenti par la Galerie des Offices – dans un décor contemporain de leur création, n’échappe pas au visiteur. En témoigne le silence qui se fait à l’entrée dans la salle où elles sont exposées,  au sein du petit groupe effectuant la visite ce jour-là.

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Tenture des Valois/détail du tissage / Photo db

En s’approchant et déambulant dans la galerie (3), c’est la complexité des compositions,  la finesse du tissage – fils de laine, soie, or, argent doré – et son excellente conservation qui suscitent l’admiration. La Tenture des Valois a vraisemblablement été commandée par Catherine de Médicis qui en a fait ensuite don à sa petite-fille, Christine de Lorraine, au moment de son mariage avec Ferdinand Ier de Médicis.

On associe les compositions des tapisseries à six dessins de Caron réalisés vers 1573-1574, sous Charles IX, dont certains sont présentés dans l’exposition; il s’agit essentiellement « de scènes festives auxquelles Catherine de Médicis a fait ajouter les personnages, dans un souci à la fois dynastique et diplomatique, de propagande, pourrait-on dire, tandis qu’en arrière plan se trament d’autres réalités, notamment les guerres de religion », précise Matteo Gianeselli. (4)

Nous voilà dans « Le théâtre de l’Histoire »…

Qui se poursuit dans les deux dernières salles de l’exposition consacrées d’abord à l’attrait d’Antoine Caron pour l’Antiquité, bien qu’il n’ait jamais quitté la France. Il s’agit de « rivaliser avec les anciens, dans une sorte d’émulation », mais aussi de « mettre en scène » cette Antiquité, dans des reconstitutions qui servent aussi à « l’exaltation des Valois ». Ce lien avec la mise en scène s’affirme dans l’une des dernières oeuvres attribuées à l’artiste et présentée pour la première foi au public, La résurrection du fils de Naïm, où les personnages, dans une sorte de chorégraphie qui n’occupe que le tiers inférieur du tableau, évoluent dans un véritable décor de théâtre où se mêlent architecture imaginaire et nature majestueuse. Pour

Matteo Gianeselli, « on est tenté (…) d’y voir les prémices de la grande peinture de paysage telle qu’elle est formulée quelques décennies plus tard par Nicolas Poussin, Claude Lorrain ou Laurent de la Hyre, voire Hubert Robert ».

4_Antoine Caron, La Résurrection du fils de la veuve de Naïm, collection particulière (sotheby_s_Art Digital Studio)

Antoine Caron, « La Résurrection du fils de la veuve de Naïm, » collection particulière (sotheby’s Art Digital Studio)

(1) Le décor d’un des manteaux de cheminée peints du Pavillon d’Abigail est considéré comme un témoignage des débuts artistiques du peintre. Il a été rejoint en 2021 par deux panneaux attribués à l’entourage d’Antoine Caron, acquis par le Musée national de la Renaissance en 2021. (La mort de la femme de Sestos et La confrontation d’Élie et des prophètes de Baal sur le mont Carmel)
(2) Le catalogue est publié par les édition de La Réunion des Musées nationaux-Grand-Palais (RMN-GP). Sous la direction de Matteo Gianeselli, avec la contribution d’une vingtaine d’auteurs.
(3)  La tenture des Valois a remplacé l’accrochage permanent des dix tapisseries de David et Bethsabée,
(4) Un contexte qu’éclairent deux expositions présentées simultanément au musée de l’Armée à Paris (La haine des clans. Guerres de religion) jusqu’au 30 juillet 2023) et au musée `Condé à Chantilly (Visages des guerres de religion,1559-1610) jusqu’au 21 mai 2023), dans le cadre d’une démarche partagée avec ces deux institutions pour l’organisation d’une saison Faste et Tragédie à la Renaissance.

L’exposition bénéficie du soutien des plus grandes institutions françaises (Bibliothèque nationale de France, musée du Louvre, Mobilier national, musée d’Arts de Nantes, Mucem de Marseille…) et internationales (Gallerie degli Uffizi de Florence, The J. Paul Getty Museum de Los Angeles, Courtauld Gallery de Londres…)

 

Musée national de la Renaissance

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Le château d’Écouen, Musée national de la Renaissance / Photo db

Château d’Écouen
Rue Jean Bullant
95440 Ecouen
Tel. 01 34 38 38 52

Horaires du musée :
Tous les jours (sauf le mardi)
9h30-12h45 et 14h00-17h15

Horaires du parc du château :
Tous les jours de 8h00 à 18h00

Accès par le train :
Gare du Nord banlieue : ligne H (voie 30 ou 31) 20 minutes
direction Persan-Beaumont / Luzarches par Monsoult
Arrêt gare d’Écouen-Ézanville
Puis autobus 269, direction Garges-Sarcelles (5 min) Arrêt Mairie/Château
On peut aussi rejoindre le château à pied depuis la gare par la forêt (20 min), le chemin est balisé.

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