Gérard Zlotykamien, dit ZLOTY, né en France en 1940, est considéré par les historiens et critiques d’art comme le premier artiste d’art urbain. C’est en effet depuis 1963 qu’il trace dans les rues ses figures évanescentes et troublantes qu’il nomme « Éphémères ». La rétrospective Gérard Zlotykamien, 60 ans d’Éphémères organisée par la galerie Mathgoth dans le 13ème arrondissement, est l’occasion de découvrir le cheminement et la cohérence du travail de l’artiste, avec une centaine d’oeuvres originales, de 1958 à 2023, ainsi que des vidéos et photos d’archives.
À voir jusqu’au 28 octobre 2023.
C’est à un parcours chronologique que le visiteur est convié, dans l’espace de béton brut de plus de 300 m2 où est présentée l’exposition. (1) Avec d’abord les années de recherches. Gérard Zlotykamien est un autodidacte; adolescent, il dessine beaucoup et découvre l’histoire de l’art en parcourant les expositions parisiennes. Miró, Calder, Duchamp, Mathieu et Klein – qui est une rencontre très importante et qui va l’initier au judo! – le fascinent. Il s’essaye un peu à tous les genres picturaux. Mais, il le dit lui-même : « J’ai mis un peu de temps à trouver ma propre écriture, sans avoir à copier qui que ce soit ».
Cette « écriture », ce sont ces tracés fantomatiques, silhouettes inachevées ou déliquescentes, troublantes assurément, surmontées d’un visage réduit à sa plus simple expression : un cercle avec deux points pour les yeux et un trait ou un ovale pour la bouche, qui prennent une place prépondérante, devenant une représentation quasiment exclusive à partir de 1963. Ces Personnages Disparus prendront le nom d’Éphémères en 1970, lors d’une exposition à la MJC-Charonne à Paris. Ils disparaitront parfois sous une couche de peinture noire ou blanche, ou seront réduits à un petit tas de cendres, comme celles qu’on peut voir dans l’exposition, conservées dans deux bocaux à bonbons en verre : cendres d’Éphémère sur porte (2007) et cendres d’Éphémère sur sac (1997). (2)
Disparition, cendres… la mort rode. Il est temps de rappeler que Gérard Zlotykamien, né en 1940 à Paris, vient d’une famille juive d’Europe de l’Est. Séparé de ses parents à l’âge de 2 ans, il échappe de peu à la déportation et est placé dans une famille d’accueil maltraitante jusqu’à la fin de la guerre. Après la Libération, il retrouve ses parents, les seuls survivants de sa famille, les autres ne sont jamais revenus des camps. Cette volonté répétée de destruction et sa cohorte de victimes – Hiroshima, Vietnam, génocides … – ne va cesser de le hanter et de s’exprimer dans son oeuvre.
Une oeuvre qui fait de l’espace public son espace privilégié d’expression à partir de 1963. Cette année-là il participe avec cinq autres jeunes artistes à la Biennale de Paris. Les portraits des dictateurs Salazar et Franco que réalise Eduardo Arroyo (un des membres du groupe) sont censurés par le ministère de la Culture qui invoque des raisons diplomatiques. Pour Gérard Zlotykamien cette décision est injuste. Il décide alors de prendre ses distances avec le monde de l’art et ses conventions et la rue va devenir son « atelier ».
Il va tracer ses Éphémères, d’abord à la craie, aux pinceaux ou avec une poire à lavement, puis à la bombe aérosol sur les murs lézardés de lieux abandonnés ou voués à la destruction, sur des palissades de chantier, des matelas, des cartons ou toute sorte d’encombrants. L’environnement urbain devient matière à créer. Ce qu’illustre l’installation réalisée à l’entrée de la galerie. Cette multiplicité des matériaux urbains, l’artiste l’intègre à son travail en atelier. Cartons, verre, métal, bois – notamment des portes – sont autant de supports au processus créatif.
Il y a aussi les sacs. Les sacs en toile de jute qu’il peint depuis plus de quarante ans. Rapiécés, bordures effrangées, trous effilochés, déchirures reprisées, sont autant de traces cicatricielles d’une histoire de fardeaux. De choses ou de corps. Un cartel de l’exposition rappelle que « Gérard Zlotykamien n’a jamais oublié que lorsqu’il avait une dizaine d’années, sa mère lui a raconté que, prisonnière dans le camp de concentration de Bergen-Belsen, un jour elle s’était assise fatiguée sur des sacs pour manger un reste de repas. Elle avait rapidement réalisé que ces sacs contenaient des corps ». Entre silhouettes individuelles fixées dans leurs cadres et cimaise entièrement tapissée d’un enchevêtrement de sacs , la traversée est dense, chargée de matière et d’émotion.
À quoi succèdent quelques maquettes qui viennent éclairer, au sens propre et figuré, un aspect du travail de l’artiste : des collages de papier à dessin colorés sur fond blanc qui sont les travaux préparatoires à la réalisation de la fresque que Zloty a peinte à l’occasion de l’exposition sur le pignon d’un immeuble du 13ème arrondissement. (3) Et qu’on ne manquera pas d’aller voir au soleil d’automne en sortant de la galerie, une dizaine de minutes à pied…
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(1) C’est dans ce même lieu qu’avait eu lieu en 2022, toujours à l’initiative de la galerie Mathgoth, la rétrospective consacrée à un autre grand nom de l’art urbain, Jef Aérosol, à l’occasion du 40e anniversaire du premier pochoir de l’artiste. À noter qu’une exposition lui sera également consacrée à Lille du 19 octobre 2023 au 21 janvier 2024.
(2) En 1977, il présente à la galerie Charley Chevalier une série de 15 Éphémères sur des palissades en bois blanc. Lors du vernissage, en public et devant un huissier de justice spécialement convoqué pour l’occasion, il les recouvre un à un de peinture noire avant de les replacer sur les cimaises. Ce sont ce qu’il nomme Les Effacements. La même année, il détruit toutes les œuvres de son atelier et ce sont 18 sacs à gravats qui finissent à la poubelle.
(3) Square Berthe Morisot, 34 rue du Dessous des Berges
Adresse du lieu de l’exposition :
1, rue Alphonse Boudard
75013 Paris
(Tout près de la Bnf François Mitterrand)
Jours et heures d’ouverture :
du mercredi au dimanche de 15h00 à 19h00
👍Great !
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Deepa
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Yes all well!
Have stopped teaching now!
One day we must meet up and have a drink!
Deepa
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