Prolongation jusqu’au 20 décembre 2020 : Delaperche à Orléans, « Un artiste face aux tourments de l’Histoire »…

Jean-Marie DELAPERCHE, « Tous les âges passent sur l’aile du temps, vers 1817 »

… ou « un génie révélé ». C’est en ces termes que l’exposition au musée des Beaux-arts d’Orléans, consacrée à Jean-Marie Delaperche (1771-1843) a été annoncée et est présentée. Il s’agit bien en effet de révélation, puisque l’artiste était resté dans l’ombre jusqu’à aujourd’hui. C’est à dire jusqu’à la découverte et l’identification en 2017 d’un ensemble de 91 dessins, jugés dignes des plus grands artistes de son temps. Une découverte qui a été suivie d’une longue enquête pour retracer la biographie et la carrière du dessinateur et peintre, d’Orléans où il est né à Paris où il meurt, en passant par Moscou où il a vécu une vingtaine d’années. Sans que soient pour autant levées toutes les zones d’ombre sur l’oeuvre  et la personnalité complexe de Jean-Marie Delaperche.

Jean-Marie DELAPERCHE, « Les adieux de Louis XVI »

« Véritable enquête… jeu de piste… grand travail de recherche dans les archives … », Olivia Voisin parle en connaissance de cause. Directrice des musées d’Orléans, et conservatrice des collections de 1750 à nos jours, depuis l’apparition des dessins sur le marché de l’art  en avril 2017, elle a préparé cette exposition dont elle a assuré le commissariat, entourée d’un comité scientifique de six personnes, dont une archiviste-paléographe. Car en l’absence de sources il a fallu effectuer d’importantes recherches pour reconstituer au gré des archives, la vie « tumultueuse »  non seulement de Jean-Marie Delaperche, mais aussi de son frère Constant et de leur mère Thérèse, tout une famille d’artistes originaires d’Orléans et qui ont poursuivi leur carrière à Paris, Moscou, chez les Ruinart à Reims ou les Rohan-Chabot à La Roche-Guyon.

Constant Delaperche, Scène de la vie de la Vierge (décor de la chapelle du château de La Roche-Guyon), vers 1815-1817.

Cette quête aura jusqu’au bout réservé des surprises, puisque l’exposition aura été retardée après la découverte de nouveaux documents auprès de la veuve d’un des descendants. Des documents qui ont conduit à ajouter quelque 120 pages au catalogue… (1) D’où il faut sans doute conclure, avec Olivia Voisin, que « l’oeuvre de Jean-Marie Delaperche reste encore à découvrir », d’autant que l’artiste a vécu loin des sphères officielles, refusant de signer ses oeuvres – seuls quatre dessins des 91dessins réapparus en 2017 portaient sa signature – et préférant sa liberté « au diktat de la critique ».

JEAN-Marie DELAPERCHE, « Hussard surgissant lors d’une veillée funèbre », 1817:18

L’exposition à Orléans constitue  une première et substantielle approche de son oeuvre. Outre les 91 dessins en question – acquis par le musée -, elle présente en effet une soixantaine de peintures, sculptures, dessins, gravures et archives provenant de diverses institutions et de collections privées (Château de Versailles,  musée de l’Armée, musées des Beaux-Arts de Reims et de Tours, archives Ruinart) qui permettent de replacer Jean-Marie Delaperche dans les contextes familial et historique, tous deux inséparables.

L’artiste et sa famille ont en effet connu une période historique plus que mouvementée, traversant l’Ancien Régime, les années de la Révolution, l’Empire, la Restauration et la monarchie de Juillet. Des événements dont Jean-Marie Delaperche, « témoin silencieux », se fait l’écho dans ses dessins, de manière explicite ou allégorique. Ce sont les adieux de Louis XVI à sa famille, un hussard surgissant au milieu d’une scène tragique ou encore des scènes épiques empruntées à la mythologie grecque qui évoquent le contexte politique auquel est confronté l’artiste.

Jean-Marie Delaperche, « Le Naufrage », 1815

Un contexte particulièrement douloureux, puisque l’artiste perdra ses biens en 1812 dans l’incendie de Moscou par Napoléon et ses deux fils dans la débâcle de l’armée napoléonienne. Cruel paradoxe de l’Histoire : ce royaliste profondément marqué par la Révolution – la plupart des amis de sa mère avaient été décapités et son père emprisonné – était parti en Russie pour y trouver du travail mais aussi pour fuir Napoléon…

Sur le plan artistique cette période de vingt ans hors de France, de 1804 à 1824, lui permettra aussi de s’ouvrir à de nouvelles influences, celles de peintres allemands, anglais et russes. Il développera par le biais du dessin une réflexion sur la tyrannie, les tourments de l’Histoire et une approche philosophique de la vie et du monde. Un dernier aspect auquel on avoue avoir été particulièrement sensible.

Constant DELAPERCHE, Portrait des enfants de l’artiste, vers 1822. © Collection particulière

De retour en France, il s’installe à Paris comme portraitiste avec son frère Constant. Leurs oeuvres ne franchissent pas la porte du Salon. Ils meurent tous deux en 1843.

Cette exposition aura aussi été l’occasion de découvrir le musée des Beaux-Arts d’Orléans, un des premiers à avoir été créé en France en 1799. Inauguré officiellement en 1825, il est installé depuis 1984 dans un nouveau bâtiment signé Christian Langlois, à côté de la cathédrale, avec 3000 m2 d’exposition permanente et 400 m2 d’exposition temporaire. Parmi son fonds de tableaux d’écoles étrangères, citons le Saint Thomas de Velazquez, récemment restauré.

Jean-Jacques SCHERRER, « Jeanne d’Arc victorieuse des Anglais entre à Orléans », 1887 / Photo db

Bien sûr, Jeanne d’Arc se devait d’être présente : elle l’est dans la vaste entrée du musée avec l’immense toile de Jean-Jacques Scherrer, Jeanne d’Arc victorieuse des Anglais entre à Orléans, présentée au Salon de 1887. À notre arrivée, un groupe de jeunes enfants étaient assis à ses pieds, écoutant sagement les explications de leur accompagnatrice …

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(1) Un imposant catalogue richement documenté, co-édité par Snoek et le MBA d’Orléans.

 

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Un commentaire pour Prolongation jusqu’au 20 décembre 2020 : Delaperche à Orléans, « Un artiste face aux tourments de l’Histoire »…

  1. Matatoune dit :

    Belle présentation ! Merci pour ce partage

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